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De la course Nature à l'Ultra

LES TRAILEURS DOIVENT-ILS LA JOUER TACTIQUE ?

Comment la jouer tactique sur un trail ? Et est-ce bien nécessaire ? Les réponses varient en fonction des objectifs, et des ambitions…

On y pense en général en termes d’effort au long cours, de patience et longueur de temps, d’introspection, comme un voyage initiatique. Et si le trail était aussi un jeu tactique, de stratégie ? « Il existe une stratégie en trail, oui, confirme Philippe Propage, référent de la discipline au sein de la Direction technique nationale. Mais elle sera différente en fonction de votre objectif : terminer la course ou la gagner… »

Si vous voulez finir…

« Pour arriver au bout de son épreuve, il faut savoir se montrer humble vis-à-vis de la distance et du relief, prévient l’entraîneur national. Mieux vaut d’ailleurs avoir repéré le profil du parcours pour s’y adapter (voir l'article en cliquant ici). Le premier conseil, c’est de ne surtout pas partir en surrégime. » Reste que le rythme à adopter au départ n’est pas simple à trouver, y compris pour les plus prudents… « C’est vrai : beaucoup partent sur des allures qu’ils pensent suffisamment basses mais ressentent à un moment un gros coup de fatigue à cause de la distance. C’est une bonne chose d’être facile, mais ce n’est parfois pas suffisant. » Comment faire, alors, pour trouver le rythme idoine ?

« J’ai ma théorie, reprend Philippe Propage : vous ajoutez la distance de l’épreuve en kilomètres et le dénivelé positif sur l’ensemble du parcours, en comptant l’équivalent d’un kilomètre pour cent mètres de dénivelé positif. Si le trail fait 40 km avec 1500 m de dénivelé positif, ça vous fait donc 40 + 15 = 55. » Vous suivez ? « Ce chiffre de 55, vous pouvez considérer qu’il correspond à la distance en kilomètres à effectuer si vous étiez sur le plat. Il faut donc partir à un rythme qui vous permettrait d’être régulier sur 55 km sur plat. » A noter, aussi, qu’on ne rattrape en descente « qu’une partie, mais pas tout », du temps perdu en montée. Oubliez donc la descente dans le calcul pour en rester à l’équation telle qu’elle a été posée.

Si vous voulez gagner, ou essayer…

« On est obligés, à un moment ou un autre, de calquer sa tactique sur celle des autres quand on veut finir dans les premières places, songe l’entraîneur national.  Quitte à se mettre un peu dans le rouge. On ne peut pas laisser les autres concurrents partir trop loin. Sur un groupe de sept ou huit, il y en aura toujours un ou deux qui iront au bout et qu’on ne reverra plus… Il faut donc accepter le train. La limite est de savoir se dire ‘‘Cela va vraiment trop vite, mieux vaut ne pas suivre’’. » Il n’empêche : le trail, avec ses parcours variés et changeant, rebat les cartes à chaque virage. Et le point fort d’un concurrent peut succéder à son point faible.

Et cela vaut pour chaque coureur. « Cela implique qu’on peut accepter d’être ponctuellement lâché pour mieux revenir après. Dans une côte, par exemple : si on sait que c’est un point faible, mais que la descente est derrière un point fort, autant monter à son rythme pour être suffisamment vigilant, rapide et frais ensuite et bien descendre. Il faut garder assez de réserve pour valider ses points forts. »

Et rattraper, de fait, son retard. Sans oublier toutefois que « les points forts et faibles se gomment au fur et à mesure de l’avancée de la course, avec la fatigue, prévient Philippe PropageAux championnats du monde 2015 à Annecy, Sylvain Court lâche l’Espagnol Luis Hernando sur son point fort, dans une montée, parce qu’on était à soixante-dix bornes de course et qu’Hernando était fatigué. »

Savoir oublier la tactique…

Une anecdote qui pourrait remettre en cause, finalement, toute prétention tactique… C’est qu’en trail comme sur les autres disciplines, il faut savoir sortir du cadre quand les circonstances l’imposent. « A un moment, quelle que soit la stratégie choisie, il n’y a plus rien de vrai dans la course, assure l’entraîneur. Les conditions extérieures, les phénomènes imprévus changent tout. C’est l’intelligence du coureur qui va faire qu’il saura s’adapter. En ce sens, l’expérience est plus importante en trail que sur les autres distances. C’est la tête qui fera la différence : on doit toujours être capable d’anticiper l’imprévu. » Une tactique en soi, finalement…

Cyril Pocréaux pour J’aime courir.

« On peut accepter d’être ponctuellement lâché pour mieux revenir après. »

Ce CONSEIL D'EXPERT a été réalisé avec le concours de   Philippe PROPAGE

Référent national du Trail
Entraîneur de haut niveau depuis de nombreuses années notamment de plusieurs athlètes de l'équipe de France dont 2 champions du Monde

Article mis en ligne par Rédaction J'aime Courir - le 12/07/2018 à 08:47 - mis à jour le 20/07/2018 à 01:27